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Des sabots aux bobines : l’essor de la mobilité électrique au Canada

Dumaresq de Pencier, Coordinateur d’expositions et projects
Musée canadien de l’automobile

Temps de lecture : 8-12 minutes

Sommaire

Papier 1 musée automobile candien

Des signes indicatifs d’un changement d’ère en matière de transport : un tramway, des vélos, une calèche, et une automobile sur la rue principale de Winnipeg, au Manitoba, en 1909. Bibliothèque et archives du Canada

Introduction

L’automobile est la pierre angulaire du paysage du transport moderne au Canada ; ceci est largement vrai depuis plus d’un siècle. Bien que la nature des voitures et des camions que nous conduisons ait changé au fil des années, et que les véhicules électriques et hybrides soient aujourd’hui en train de prendre la place dominante précédemment occupée par les voitures à essence, il s’agit toujours d’automobiles. Ça n’a pas toujours été le cas. Pendant une brève période à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, le paysage des transports au Canada était en pleine mutation : des dizaines de nouvelles technologies, parmi lesquelles on comptait des transports électriques peu coûteux, la propulsion vapeur, et le moteur à explosion, apparurent, connurent un certain essor, et s’affrontèrent, certaines tombant dans l’oubli. Toutes furent très influentes à divers titres ; chacune présentait des avantages majeurs, et de sérieux inconvénients, par rapport à ses concurrents. Mais elles ont toutes laissé leur marque sur le paysage de la conduite automobile au Canada.

Le présent article explore cette période tumultueuse du début de l’aventure automobile au Canada, et la façon dont une société dominée par les chevaux et les bateaux et locomotives à vapeur a évolué, en l’espace d’environ 20 ans, vers une société dominée, bien que très marginalement, par la voiture à essence. En effet, la place prédominante des véhicules à moteur à explosion était loin d’être acquise, et les Canadiens furent dès la première heure de fervents partisans de l’industrie des véhicules électriques sous toutes ses formes. La deuxième voiture produite au Canada fut une voiture électrique. Le tout premier constructeur automobile commercial du Canada produisait exclusivement des voitures, camions et appareils de mobilité personnelle électriques, et l’enthousiasme et les financements apportés par le Canada furent également en grande partie responsables du premier boom des voitures électriques aux États-Unis. Bien que ce premier boom en faveur des véhicules électriques canadiens se soit largement éteint au début de la Première Guerre mondiale, ses racines sont fascinantes et méritent d’être explorées.

 

Le Canada avant les voitures

Avant l’arrivée de l’automobile, les Canadiens avaient recours à toutes sortes de façons de se déplacer, des trajets à pied aux navires à vapeur en passant par les travois, les traîneaux à chiens, les canoës à fret et les chevaux. Le réseau de transport du pays connut des changements rapides spectaculaires au XIXe siècle, aussi bien au niveau personnel que pour le transport de marchandises en masse. Ces changements intervinrent pour la plupart en conséquence de la deuxième révolution industrielle et du recours à grande échelle à la puissance de la vapeur et aux balbutiements de l’alimentation électrique, mais s’accompagnèrent également de l’utilisation de chevaux à une échelle industrielle, ainsi que la surprenante influence sociale qu’eut la bicyclette.

Horse Ownership fr

Même alors que l’ère de l’automobile était bien entamée, le ratio du nombre de chevaux par rapport au nombre d’habitants du Canada continuait d’augmenter lentement, en grande partie en raison du boom du secteur agricole dans les prairies.

Une société à cheval

Pour la majorité des Canadiens au XIXe siècle, les chevaux et les calèches étaient le meilleur moyen de se rendre où l’on allait ; le ratio était en moyenne de trois Canadiens pour chaque cheval dans le pays. Les fabricants de calèches du pays fabriquaient des centaines de modèles différents, des cabriolets sportifs à deux roues aux chariots de marchandises aux roues cerclées de fer capable de transporter des tonnes de cargaison. Au cours de cette période, des entreprises canadiennes telles que Tudhope à Orillia et la McLaughlin Carriage Company d’Oshawa fournissaient des voitures produites en masse dans l’ensemble de l’Empire britannique. Même si la voiture à chevaux était une technologie familière et bien comprise, les chevaux posaient un certain nombre de problèmes lorsqu’ils étaient utilisés à l’échelle de la société. Ils étaient lents, sales, et exigeaient beaucoup de soins. Les écuries, relais de poste et autres établissements où on pouvait les nourrir, leur donner à boire, ou les héberger constituaient un élément très laborieux de tout transport à longue distance.

Par le rail et par la mer

Lorsque la compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique termina sa ligne ferroviaire transcontinentale en 1885, il fut pour la première fois possible de se rendre de Nouvelle-Écosse en Colombie-Britannique par les terres en un seul voyage. Les réseaux routiers se déployaient en étoile autour de centres ferroviaires, ce qui entraîna une baisse de la qualité des routes menant d’une ville à une autre. De nombreuses entreprises ferroviaires possédaient ou travaillaient également en partenariat avec des lignes de navires à vapeur, et des bateaux à aubes opérant sur les petites rivières et les lacs desservaient les villes et les communautés que les voies de chemin de fer ne pouvaient pas attendre. Les ports de Halifax, Vancouver, et d’autres villes côtières permettaient de voyager partout dans le monde.

The Engineer Nov 24 1905 Rail Map

Le réseau des chemins de fer du Canada, vers 1905 ; là où il n’y avait pas de liaison ferroviaire, les villes étaient reliées par des diligences ou des navires à vapeur. Collection du Internet Archive.

Un nouvel incontournable

Tandis que les transports ferroviaires se développaient, les villes se tournèrent vers les tramways pour les transports locaux. Entre 1861 et 1910, plus de 65 villes canadiennes construisirent ou adoptèrent des réseaux de tramway ; au départ, les wagons étaient tirés par des chevaux, avant de fonctionner à l’électricité. Tout comme pour les réseaux routiers, les réseaux de tramway étaient souvent disposés en étoile autour des gares ferroviaires, mais en raison de leur coût très important, ceux-ci n’avaient qu’une portée limitée.

La folie du vélo

Les Canadiens découvrirent pour la première fois la bicyclette dans les années 1860, mais ce n’est que de me les années 1890 que le concept décolla vraiment. La popularité des Cycle clubs existants explosa lorsque les « vélos de sûreté » modernes, équipés d’une transmission par chaîne, de freins fiables et de pneumatiques en caoutchouc devinrent plus abordables et répandus. L’essor de la bicyclette aida à établir l’idée des transports personnels, par opposition aux transports en commun que constituaient les calèches et les tramways, les cyclistes jouèrent un rôle essentiel dans les premiers efforts visant à exiger des routes mieux construites et une meilleure réglementation de la circulation. Sur le plan industriel, de nombreuses manufactures qui avaient débuté leurs activités en fabriquant des vélos ont par la suite rejoint l’industrie de l’automobile.

 

L’ère de l’électricité

Les voitures électriques ne furent pas les premières au Canada ; cet honneur revient à une paire de véhicules à vapeur, l’un conduit sur l’île du Prince Édouard en 1866, et l’autre construit au Québec en 1867. Toutefois, les voitures électriques furent les premières à y être fabriquées et commercialisées.

L’histoire de la voiture électrique au Canada commença avec un ingénieur britannique, William Joseph Still. Ce brillant inventeur de technologies à vapeur et électriques des deux côtés de l’Atlantique travaillait depuis des années sur des concepts de véhicules électriques. En 1893, il prit contact avec Frederick Barnard Fetherstonhaugh, un avocat spécialisé dans les brevets de Mimico, en Ontario, en présentant un nouveau design de batterie électrique légère. Fetherstonhaugh s’intéressait énormément à la technologie électrique ; M. Still et lui-même avaient déjà travaillé ensemble auparavant, et il fut séduit par cette invention.

M. Still était convaincu que sa batterie légère au plomb était idéale pour alimenter un véhicule routier électrique, et il n’en fallut pas beaucoup pour en persuader Fetherstonhaugh. Celui-ci demanda à M. Still de lui concevoir une automobile électrique silencieuse et légère qui lui permettrait de se rendre au travail avec style et dans le plus grand confort.

Fetherstonhaugh s’impliqua personnellement dans la construction du véhicule, bâti par la Dixon Carriage company, à l’angle des rues Bay et Temperance, dans le centre-ville de Toronto. Il en résulta une voiture qui était très en avance sur son temps.

Electric car and first motor vehicle built in Canada at auto show, Armouries. - 1912

La voiture Still/Fetherstonhaugh de 1893 : non contente d’être une véritable innovation en matière de transport électrique, elle servit quotidiennement à son propriétaire pendant 15 ans. Collection des archives de la ville de Toronto.

Équipée de 12 batteries au plomb Still alimentant un moteur à courant continu d’une puissance de quatre chevaux, la Fetherstonhaugh pouvait circuler pendant une heure à la vitesse honorable de 24 kilomètres par heure. Elle pesait 317,5 kg (700 livres), soit un peu plus que les voitures à essence de la même époque, et son système d’alimentation représentait un peu plus de la moitié de sa masse. Son concepteur voulait bénéficier de tous les conforts de pointe disponible à l’époque, et il les obtint. La Fetherstonhaugh était équipée d’un ensemble complet de phares électriques, d’une capote rabattable, et de roues pneumatiques à rayons métalliques à une époque où les véhicules électriques utilisaient encore pour la plupart des roues de chariot en bois. De toute évidence, cette voiture avait exactement la conduite rapide, silencieuse et sans accroc que souhaitait M. Fetherstonhaugh.

La première voiture électrique du Canada fut en outre utilisée pendant plus d’une décennie. La demeure de M. Fetherstonhaugh fut l’une des toutes premières de Toronto à être entièrement électrifiée, ce qui signifie qu’il n’avait aucun problème pour charger son véhicule. Il pouvait l’alimenter directement depuis la ligne de tramway local, ou grâce à un générateur à domicile que M. Still conçut pour lui par la suite.

La voiture de M. Fetherstonhaugh eut tôt fait de se faire remarquer. Elle fut présentée brièvement lors de l’exposition nationale canadienne de 1896, événement auquel elle participa à nouveau en 1906. M. Fetherstonhaugh avait alors ajouté un pare-brise en verre, un des tout premiers sur une voiture en Amérique du Nord. Plusieurs clients des environs demandèrent à M. Still de construire davantage de voitures électriques, et le début d’une industrie des véhicules électriques commença à prendre forme à Toronto. Malgré ce succès précoce, la voiture de M. Fetherstonhaugh disparut des documents historiques après 1912 ; nous ignorons ce qu’il en est advenu.

À la fin des années 1890, les voitures électriques s’étaient bien implantées dans la conscience collective. Les villes de New York et de Londres (en Angleterre) avaient chacune plus d’une douzaine de taxis électriques en service, et les gens étaient de plus en plus conscients de l’utilité des véhicules électriques dans un cadre urbain. En 1899, la voiture électrique fit les gros titres partout dans le monde lorsque l’ingénieur et pilote automobile belge Camille Jenatzy battit le record de vitesse terrestre en atteignant 106 km/h à bord de sa Jamais Contente.

Partout dans le monde, les gens réclamaient plus de voitures électriques, et le Canada ne faisait pas exception. Le syndicat automobile du Canada (Canadian Motor Syndicate, CMS) de William Still fut fondé en 1897 pour concevoir, fabriquer et commercialiser ses designs de voitures électriques.

Lors de sa première participation à l’exposition nationale canadienne 1898, le CMS présenta un véhicule de livraison électrique à trois roues qui était déjà prêt à la vente. Un peu plus tard cette même année, le CMS commercialisa son premier véhicule pour passagers, un tricycle à deux places ressemblant à un canapé sur roues. Ce véhicule carrossé en osier ne se vendit pas, ce qui persuada M. Still qu’il devait voir plus grand.

Dès 1899, M. Still avait inventé un moteur électrique beaucoup plus imposant et plus efficace, qui convenait beaucoup mieux aux véhicules de transport. Le CMS fut réorganisé pour devenir la Still Motor Company Limited (SMC) et commença à vendre de manière plus sérieuse des véhicules commerciaux et des voitures particulières. Son usine installée sur la rue Yonge bourdonnait d’activité ; les commandes arrivaient tellement vite que l’entreprise fut obligée d’installer l’une des premières lignes téléphoniques de la ville de Toronto.

Véhicules électriques commerciaux fabriqués par la SMC pour les ateliers de teinture Parker’s Dye Works à Toronto, en 1903. Collection du musée canadien de l’automobile.

La SMC ne fabriquait pas ces véhicules de toutes pièces ; les clients achetaient des chariots disponibles dans le commerce, que les ateliers équipaient par la suite des moteurs et des batteries Still. Parmi ses premiers clients, l’entreprise compta les ateliers de teinture Parker’s Dye Works voisins, et en 1900 bon nombre des plus grandes entreprises industrielles et commerciales de Toronto disposaient d’au moins un ou deux véhicules SMC dans leur flotte. De la vie de tous, les véhicules électriques SMC étaient légers, raisonnablement rapides, et faciles à conduire, mais la quasi-totalité représentait des travaux d’installation sur mesure, ce qui a entraîné des coûts élevés et des bénéfices réduits pour l’entreprise.

La SMC était dans le rouge, mais elle fut sauvée en étant rachetée par un groupe d’investisseurs britanniques, qui donna à l’entreprise le nouveau nom de Canadian Motors Limited (CML). Vers la fin de l’année 1899, M. Still avait développé une gamme de véhicules électriques à deux et quatre places qui connaissaient un certain succès : les Ivanhoés et les Oxfords. Chargée de les vendre non pas au Canada, mais en Angleterre, la CML devint par conséquent le premier constructeur automobile canadien détenu par une entreprise britannique, ainsi que le premier exportateur de voitures du Canada. L’entreprise envoya des dizaines de véhicules vers l’Angleterre entre la fin de l’année 1900 et le début de l’année 1901.

L’usine de la CML, avec l’ensemble de sa gamme de véhicules de livraison, de transport de passagers et de voitures particulières, en 1900. Collection du musée canadien de l’automobile.

M. Still s’éloigna de l’industrie automobile pour se consacrer à des projets d’ingénierie plus lucratifs, mais son héritage perdura. En 1903, la Canadian Cycle & Motor Company acheta la vieille usine de la CMS et l’utilisa pour produire son propre véhicule électrique, un design américain également appelé l’Ivanhoé. Bien que les premières tentatives du Canada visant à produire un véhicule électrique commercial aient échoué, la voiture électrique avait indubitablement trouvé un marché, et sa popularité continuerait de croître jusqu’à la tourmente économique de la Première Guerre mondiale.

 

Essence versus Électricité

Avec du recul, il peut être difficile d’imaginer pourquoi les véhicules électriques eurent autant de succès au tout début du développement du marché de l’automobile. Non seulement ceux-ci étaient onéreux, lents, et ne disposaient que d’une autonomie réduite, mais leurs batteries nécessitaient également un entretien constant. En 1900, les voitures à vapeur dominaient le paysage des véhicules motorisés en Amérique du Nord ; les véhicules électriques arrivaient à la deuxième place, avec 38 % de parts de marché, tandis que les voitures à essence étaient loin derrière, en troisième place. Plusieurs raisons importantes expliquent cet état de fait.

La mode

Pour faire simple, l’électricité était très à la mode au tout début du XXe siècle. Le monde avait été balayé par la deuxième révolution industrielle, et l’industrie comme le commerce avaient adopté les nouvelles technologies que constituaient l’éclairage électrique, le téléphone, la radio et le phonographe. Beaucoup de grandes villes disposaient de réseaux de tramways électriques bien établis, et les voitures électriques étaient vues comme une nouvelle étape logique après les tramways. En effet, de nombreux véhicules électriques produits en Amérique du Nord étaient basés sur des moteurs et des batteries de tramways. L’électricité était moderne. L’électricité était en vogue.

L’hygiène

À mesure que les grandes villes, reliées par des chariots à traction animale et des trains à vapeur, se développaient, les problèmes de propreté se firent de plus en plus sentir. L’air des villes était plein de suie, et les rues étaient embourbées par les eaux usées et le crottin de cheval, au point qu’on en avait certains jours jusqu’au genou. À la différence des voitures à essence, avec leurs fuites d’huile et la fumée noire qu’elles crachaient, ou même par rapport aux voitures à vapeur qui étaient légèrement plus propres, les véhicules électriques n’émettaient en apparence rien. Elles étaient pour la plupart alimentées par l’énergie produite par des centrales à charbon, mais à cette époque où l’expansion urbaine et les préoccupations environnementales n’étaient pas d’actualité, cette pollution était loin des yeux, loin du cœur.

Chaotique, boueux, bruyant et malodorant : le trafic des piétons et des voitures hippomobiles et à essence sur la route de la foire d’automne d’Oakville, en 1909. Collection des archives de la ville de Toronto.

L’entretien, en quelque sorte

Les véhicules électriques avaient, en comparaison, peu de pièces mobiles, ce qui présentait un avantage énorme pour les utilisateurs qui apprenaient encore comment prendre soin de leur voiture. Il n’y avait pas de boîte de vitesses ou de transmission à graisser, pas de bougies à changer, et rien qui soit boueux ou couvert de suie. L’entretien des batteries demandait beaucoup de travail, et cette tâche était souvent comparée davantage aux soins prodigués à un patient malade qu’à la réparation d’une machine endommagée. À une époque où les gens n’avaient pas de garage à la maison, les propriétaires de véhicules électriques payaient souvent pour faire entretenir et charger leur voiture dans de grands garages centraux.

Le carburant et le chargement

Avant l’invention de ce que nous appelons désormais la station essence (la première du Canada ouvrit en 1907 à Vancouver), on ne pouvait acheter de l’essence que dans des drogueries (c’était un produit couramment utilisé pour nettoyer le verre). N’ayant aucune certitude quant au fait de pouvoir trouver de l’essence en chemin lors de leurs déplacements, les conducteurs devaient souvent transporter avec eux d’énormes barils d’essence en réserve. Bien que les véhicules électriques de l’époque aient souffert d’une autonomie bien plus réduite, ils étaient en général utilisés dans les villes, où les sources d’alimentation électrique ne manquaient pas, et où les stations de charge des garages étaient facilement accessibles. En outre, le courant coûtait nettement moins cher que l’essence.

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Faciles à démarrer et présentant une conduite sans danger, les premiers véhicules électriques étaient parfaits pour les conducteurs novices ou inexpérimentés comme ces adolescents. Collection privée de Charlie Beesley.

Le démarrage

Un des principaux défauts des premiers modèles d’automobile était le processus de démarrage. Seuls les véhicules électriques pouvaient être démarrés et conduits rapidement ; il suffisait en général d’actionner un interrupteur et d’appuyer sur une pédale ou de tirer sur un accélérateur manuel. Avec les véhicules concurrents, en revanche, ce n’était pas aussi facile. Démarrer une voiture à vapeur demandait beaucoup de temps ; il fallait faire monter la pression dans la chaudière, et cela pouvait s’avérer difficile par mauvais temps. Quant aux voitures à essence, les démarrer pouvait s’avérer dangereux : il fallait actionner une manivelle à main, et un conducteur imprudent démarrant incorrectement sa voiture risquait au mieux des bleus, voire des os cassés, parfois surnommés « fractures Ford », ou pire encore.

Le confort

Tout le monde préfère conduire dans le confort et avec style, et les voitures électriques offraient la conduite la plus confortable. Elles étaient silencieuses, au point que les premiers taxis new-yorkais avaient reçu le surnom de « Colibris » (Hummingbirds) en raison de leur bruit agréable, à la différence des valves sifflantes des voitures à vapeur ou du claquement et du rugissement des moteurs à essence. Les journaux canadiens parlaient du son « cristallin » des  camionnettes et voitures (broughams) électriques transportant des marchandises dans les rues de Toronto. En roulant, les véhicules électriques transféraient directement la puissance aux roues, sans qu’il y ait besoin de changer de vitesse ; même un conducteur novice ne risquait pas de caler ou de vous secouer à bord d’une voiture électrique.

Tous ces facteurs expliquent la forte popularité des automobiles électriques dans les grandes villes. Les entreprises tout comme les particuliers, désirant s’afficher à l’avant-garde et être les premiers sur le coup vis-à-vis de cette nouvelle technologie, se précipitèrent sur les véhicules électriques, ce qui entraîna une croissance soudaine du nombre de constructeurs automobiles fabricant des voitures électriques au Canada, qui allait durer jusqu’au début de la Première Guerre mondiale.

 

Conclusion

L’aube de l’ère de l’automobile fut une période imprévisible et débordant d’innovations technologiques. Bien que la voiture à essence se soit par la suite imposée, c’était à l’époque loin d’être gagné d’avance. La nouveauté, la sécurité et la facilité d’utilisation des véhicules électriques firent que ceux-ci restèrent pertinents sur le marché longtemps après que la technologie du moteur à explosion soit devenue omniprésente. Le rôle joué par la technologie électrique fut absolument vital pour faire passer le Canada d’une société hippomobile à une société automobile ; ce sont les efforts pionniers en matière de mobilité électrique qui inspirèrent le genre de système de transports urbains, commerciaux et personnels et l’industrie automobile mondiale dont le pays dépend aujourd’hui.

Les Canadiens qui achètent et utilisent aujourd’hui des véhicules électriques le font pour beaucoup des mêmes raisons que ceux qui le firent il y a plus d’un siècle. Ils veulent une conduite plus sûre, et qui ait un impact moindre sur l’environnement. Ils souhaitent pouvoir recharger leurs voitures à leur domicile, avec une technologie de pointe. Mais à la différence des balbutiements de l’ère de l’automobile, les technologies des véhicules électriques modernes permettent de faire de ses rêves une réalité.

 

Pour en savoir plus

  • Séminaire sur le Canada avant les voitures (Canada before Cars), Ashley Hardwick, Remington Carriage Museum, 2024. Web.
  • Cars of Canada, Glen Baechler & Hugh Durnford. McLelland & Stewart, 1973.
  • Séminaire sur les premières voitures électriques du Canada (Early Electric Cars of Canada), Dumaresq de Pencier, Musée canadien de l’automobile, 2023. Web.
  • Electric Motorcycles and Bicycles, Kevin Desmond. McFarland & Co., 2019.
  • Séminaire sur la disparition du cheval : les premières années de l’automobile au Canada (Exit the Horse: the Early Years of Canadian Motoring), Dumaresq de Pencier, Musée canadien de l’automobile, 2024, Web.
  • The Electric Vehicle: Technology and Expectations in the Automobile Age, Gijs Mom. Johns Hopkins University Press, 2004.